Naoko Tokumistu, « Les Yeux de la ville : vigilance et lien social France-Japon, analyses croisées », Hémisphère, Paris, 2021, 568p.
En réponse à un sentiment croissant d’insécurité, les actions de prévention initiées par des particuliers se multiplient. Ce livre étudie leur récent développement à l’échelle du quartier, en France et au Japon, et en propose une analyse croisée entre les deux pays.
Car, tout en accordant de l’importance au lien social, la France et le Japon adoptent des approches contrastées. Ainsi, en France, ce type d’action est surtout le fait d’agents formés ou rémunérés, alors qu’au Japon, le nombre de bénévoles chargé du maintien de l’ordre a été en augmentation. Dans le cadre de pratiques telles que les « médiateurs de rue » et les « voisins vigilants » en France, et les groupes d’habitants au Japon, le fait que la prévention tende à trier les citoyens au nom de valeurs considérées comme autant de « biens » du quartier transparaît notamment, au Japon, dans les actions des habitants pour la « fabrique de la ville» (machi-zukuri); tandis qu’en France, les liens sociaux représentent surtout un outil à disposition d’agents spécialisés.
Revêtant une portée d’éducation morale, le quartier japonais peut alors apparaître, en contraste avec le cas français, comme une forme de famille visant à se substituer à la famille contemporaine jugée défaillante, sur fond de réappropriation de la notion de tradition, considérée comme une charnière dans un contexte de délitement des liens sociaux au sein de la famille.
Naoko Tokumitsu-Partiot est maîtresse de conférences à l’Inalco, membre de l’IFRAE. Ses travaux portent sur les mobilisations territoriales des habitants dans un objectif de maintien de l’ordre, ainsi que sur les rapports entre police et société civile en France et au Japon.
Il faut, entend-on dire souvent de parents inquiets, bien choisir ses amis. Et l’on comprend par là, dans un savoir d’expérience qui s’est imposé aux aînés et qu’ils ont eux-mêmes appris de leur père et de leur mère, qu’il faut éviter les « mauvaises fréquentations », délétères, corruptrices et qui font irrémédiablement dévier de la pente supposée naturelle au bien. Comme si les amitiés de groupe n’apprenaient rien, ni loyauté, ni défense inconditionnelle, ni vertu de courage. « Les vrais amis se comptent sur les doigts d’une main » et nous sommes le plus souvent pris dans « des accointances et des familiarités nouées par quelque occasion ou commodité par le moyen de laquelle nos âmes s’entretiennent », se confortent et s’enferment en elles-mêmes, jamais secouées, jamais décentrées. Et nous n’aurions affaire qu’à de « faux amis » semblables à ces pièges des langues étrangères où l’on ne fait résonner que la langue natale. « Les vrais amitiés sont désintéressées » et se reconnaissent dans la durée. Mais que faire alors de l’entraide, du secours et comment les intégrer dans les profits divers que l’on peut à bon droit attendre des compagnons de route et de vie ? Et que faire des amitiés qui ne durent pas, qui se perdent, qui s’épuisent ou se fatiguent ? N’ont-elles rien été, n’ont-elles rien appris, faut-il nier dans l’absence d’aujourd’hui la co-présence d’alors ? La perte d’un ami, toujours physique dans la mort ou l’étiolement, ne vient-elle pas plutôt paradoxalement renforcer la nécessité du rapport amical, d’un autre soi-même qui bouscule par sa franchise, décale par son expérience, instruit de ce que je ne sais ni faire ni dire, console par son tact … (Sources : Cairn)
Rédacteur invité : Stéphane Feuillas(Université Paris Cité, CRCAO) Ancien élève de l’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm, agrégé de Lettres Modernes et Docteur en philosophie de la Chine classique, il est professeur de littérature et pensée de la Chine classique à l’Université Paris Cité. Ses recherches portent sur la nature de l’expression philosophique de la dynastie des Song et sur les modalités de la philosophie du changement. Il a publié plusieurs traductions de l’œuvre littéraire de Su Shi (1137-1101), les Nouveaux Discours de Lu Jia (2012), et s’est chargé, dans l’Anthologie de la poésie chinoise publiée dans la Pléiade (2015), des poèmes de la dynastie des Song (960-1279). Outre de nombreux articles parus dans des revues scientifiques ou des ouvrages, il a dirigé la publication d’un volume intitulé Sujet, moi, personne (2004) consacré à la question du sujet dans les cultures d’Extrême-Orient. Il co-dirige aux Belles Lettres, avec Anne Cheng et Marc Kalinowski, la collection « Bibliothèque chinoise » qui a pour but de présenter en version bilingue les textes majeurs écrits en langue classique coréens, chinois, japonais et vietnamiens.(Sources : Cairn).
Rédacteur invité : Frédéric Wang (Inalco, IFRAE) Agrégé en langue et culture chinoises, docteur en littérature française (sémiotique) et en études chinoises, il a été maître de conférences à l’ENS LSH (Lyon) et à l’Université Lumière Lyon 2 avant de devenir, en 2008, professeur en histoire de la pensée chinoise à l’Institut des Langues et Civilisations orientales (Inalco). Ses recherches actuelles portent sur le confucianisme, notamment celui du xvie siècle. Auteur d’Approche sémiotique de Maurice Blanchot (1998) et d’une cinquantaine d’articles publiés dans des revues scientifiques ou des ouvrages collectifs, il a dirigé l’ouvrage collectif Le choix de la Chine d’aujourd’hui : entre la Chine et l’Occident (2010).(Source : Cairn)
Tagbumgyal, Le Chien, son maître et les parents proches, Semaphores, Paris, 2020, 144 p., traduit du tibétain par Véronique Gossot
Dans l’univers de Tagbumgyal, où quelques touches de fantastique viennent parfois perturber le réalisme, parler des chiens c’est parler des hommes. Portée par un sens aigu de l’observation, la narration imagée (voire cinématographique) laisse percer un humour subtil. Ni héros ni épopée ici, mais des sentiments étriqués, des situations ridicules, de petites lâchetés ou des trahisons ordinaires qui révèlent les rouages d’une société où seuls l’exercice du pouvoir et les intérêts particuliers prévalent. Cette observation malicieuse de la société témoigne d’une maîtrise de l’ambiguïté et de l’ironie sans pareilles.
Le Chien, son maître et les parents proches débute par une transgression lorsque Köntho met à la porte sa mère afin d’accueillir sa jeune épouse. Les aller-retours entre les excès de la Révolution culturelle et les minuscules mais très symboliques péripéties d’aujourd’hui constituent le fil du récit.
Journal de l’adoption d’un hapa met en scène un petit fonctionnaire à l’ambition démesurée et son pékinois doué de parole, le hapa, délaissé son précédent maître.
Dans Le vieux chien s’est soûlé, le narrateur est un enfant dont la famille vit de l’élevage de moutons. Dans une société où cupidité et impératif de développement économique n’épargnent rien ni personne, le fils unique appelé à succéder au père (ce qui rend dispensable sa présence sur les bancs de l’école) va tenter de sauver son chien d’un destin funeste. (source : Sophomores)
Sébastien Billoud, Reclaiming the Wilderness, Contemporary Dynamics of the Yiguandao, Oxford University Press, Oxford, 2020, 312 p.
A syncretistic and millenarian religious movement, the Yiguandao (Way of Pervading Unity) was one of the major redemptive societies of Republican China. It developed extremely rapidly in the 1930s and the 1940s, attracting millions of members. Severely repressed after the establishment of the People’s Republic of China, it managed to endure and redeploy elsewhere, especially in Taiwan. Today, it has become one of the largest and most influential religious movements in Asia and at the same time one of the least known and understood. From its powerful base in Taiwan, it has expanded worldwide, including in mainland China where it remains officially forbidden. Based on ethnographic work carried out over nearly a decade, Reclaiming the Wilderness offers an in-depth study of a Yiguandao community in Hong Kong that serves as a node of circulation between Taiwan, Macao, China and elsewhere. Sébastien Billioud explores the factors contributing to the expansionary dynamics of the group: the way adepts live and confirm their faith; the importance of charismatic leadership; the role of Confucianism, which makes it possible to defuse tensions with Chinese authorities and sometimes even to cooperate with them; and, finally, the well-structured expansionary strategies of the Yiguandao and its quasi-diplomatic efforts to navigate the troubled waters of cross-straits politics. (source : Oxford University Press)
Đinh Trọng Hiếu & Emmanuel Poisson, Le bambou au Vietnam.Une approche anthropologique et historique, Paris : Hémisphère-Maisonneuve et Larose nouvelles éditions, « Asie en perspective », 2020.
CAPDEVILLE-ZENG Catherine, « La place des maternels dans la Chine patrilinéaire. Enquête dans un village du Jiangxi (Chine du Sud-Est) », in Le façonnement des ancêtres, Paris : Inalco Presses.
ROBIN Françoise, GOSSOT Véronique (2019), 108 devinettes du Tibet. Paris : L’Asiatèque, 264 p.
Le jeu des devinettes occupe une place privilégiée dans la vie des Tibétains. A ce jour aucune traduction dans une langue occidentale n’a été faite de ces devinettes et la publication de ce livre contribue à la préservation d’un patrimoine fragilisé. Les auteures ont recueilli la plupart des cent huit devinettes de l’ouvrage auprès de Tibétains et se sont attachées à en retranscrire jeux sonores et rythmiques, humour et poésie. Elles présentent aussi les origines de cette tradition orale via une série de témoignages vécus. Les aquarelles originales qui illustrent la solution de chaque énigme représentent la faune, la flore, les paysages et les objets propres au pays des Neiges. (source : L’Asiatèque )
Françoise Robin est professeure de langue et littérature tibétaine à l’Inalco Véronique Gossot est doctorante à l’Inalco Illustrations de Sènga la Rouge, illustratrice plasticienne.
JI Zhe, FISHER Gareth, et LALIBERTE André (2019), Buddhism after Mao : Negotiations, Continuities, and Reinventions. Hawaï : University of Hawai’i Press, 364 p.