Séminaire « Anthrop’O »

Date : Mardi 21 mai 2024, 16h-18h.
Lieu : salle 5.18, Pôle des langues et civilisations, 65 rue des Grands Moulins, 75013 Paris.

Séminaire « Anthrop’O » Laboratoire d’anthropologie de l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales

La Iglesia Mistica Filipina : une religion syncrétique

Elisabeth Luquin (CASE-Inalco)

Dans un contexte de libération nationale de la fin du 19ème siècle aux Philippines, Maria Bernarda Balitaan (née en 1873), ne pouvant devenir prêtre catholique et malgré les nombreuses épreuves subies (rejet de sa famille, plusieurs arrestations, insultes) a fondé la Iglesia Misitica Filipina (IMF, Eglise Mystique Philippine) au début du 20ème siècle. Je présenterai cette Eglise – inconnue des universitaires – en montrant en quoi elle possède une solide base du culte catholique (célébration de l’Eucharistie, lecture de l’Ancien et Nouveau testament, respect du calendrier catholique) mais comporte également des éléments non chrétiens car animistes tels que des éléments/concepts spirituels spécifiques, des rituels de guérison, des relations aux ancêtres à qui de la viande de porc est offerte, une expression nationaliste et une « revendication féministe ».

Elisabeth Luquin, anthropologue, est maître de conférences de langue et littérature philippines à l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales (Inalco) et responsable de la section « langues des Philippines ». Elle a effectué de nombreux terrains dans l’archipel, particulièrement chez les Mangyan Patag, les Iraya et l’Eglise Mystique Philippine de l’île de Mindoro. Elle est membre du Centre Asie du Sud-Est (CNRS-EHESS-INALCO).

Lien zoom : https://cnrs.zoom.us/j/94852295290?pwd=ZklHSlBsbDZoUitnbTVFaVN4eng0Zz09

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Séances passées :

30 avril 2024 : Un village catholique chinois extériorisé en une « enclave transculturelle »  
Intervenante : Shuo YU-BOSSIERE

En 1796 cinq familles catholiques sortirent de la Grande Muraille et installèrent leurs huttes dans une zone désertique mandchoue. En 1842 la paroisse fut fondée par deux prêtres français et un séminariste coréen. Depuis, vingt-trois curés furent envoyés de Paris (par MEP) jusqu’au 1949. Nous découvrons un quartet du rapport que jouent stratégiquement les villageois entre les ordres religieux, les identités culturelles et nationales, les valeurs socio-économiques et les régimes politiques. Après avoir subi de multiples périls et violences, ils poursuivent leur chemin singulier avec leurs ténacité et grâce à la régénérativité transculturelle. Tout cela pour vivre avec la foi.
Shuo YU-BOSSIERE, membre de l’IFRAE-INALCO, fut professeure d’anthropologie transculturelle aux Universités Polytechnique de Hong Kong et Normale Supérieure du Nord-Est de la Chine. Ses recherches portent sur la rencontre et la mobilité transculturelles.


19 mars 2024 : Façonner et protéger l’enfant à naître : croyances et pratiques de femmes enceintes chiites dans l’Iran contemporain
Intervenante : Amélie Neuve-Eglise (Inalco/CERMOM)

Depuis les années 2000, une littérature religieuse consacrée à la grossesse connaît une diffusion croissante auprès de femmes chiites en Iran. Elle repose sur l’idée qu’en suivant des pratiques et rituels spécifiques, les mères pourraient être actrices de la transmission de certains caractères physiques et moraux à leur enfant à naître. Sur la base d’une ethnographie réalisée à Téhéran et Ispahan complétée par des entretiens à distance, cette intervention vise à examiner ce que l’expérience de la grossesse produit en termes de représentations et de pratiques religieuses spécifiques. Nous étudierons la façon dont des femmes enceintes s’approprient cette littérature, mais aussi participent elles-mêmes à l’élaboration de corpus oraux et écrits notamment dans l’espace virtuel. La variété des expériences et pratiques permettra d’aborder la façon dont des changements entraînés par la grossesse participent à remodeler le rapport au religieux et à élargir l’imaginaire des puissances d’agir et de pâtir. Nous nous demanderons enfin si, dans un contexte de médicalisation croissante de la grossesse en Iran, ces pratiques peuvent être considérées comme un moyen pour ces femmes de se réapproprier leur corps, ou si elles participent au contraire à l’extension du champ d’exercice d’une forme de biopouvoir.

27 février 2024 : Vulgariser l’anthropologie de la Mongolie en BD : de la thèse aux planches
Intervenants : Charlotte Marchina (Ifrae / Inalco) et Jim Jourdane (dessinateur)

Charlotte Marchina mène des recherches sur le pastoralisme nomade mongol. Impliquée dans la transmission du savoir auprès d’un large public, elle entre en contact avec Jim Jourdane pour lui proposer de travailler à quatre mains à une bande dessinée sur la Mongolie. Dans cette présentation, ils retraceront l’histoire de leur collaboration sur ce projet, toujours en cours d’écriture, et en dévoileront les coulisses pour aborder les joies et défis de la vulgarisation de la science en BD.
Charlotte Marchina est anthropologue, maître de conférences à l’INALCO et membre de l’IFRAE.
Jim Jourdane écrit, dessine et/ou publie des albums mêlant humour et vulgarisation en BD. Il est auteur notamment des Mésaventuriers de la Science (2018, Makisapa).

16 janvier 2024 : Jeux d’échelles et dynamiques de pouvoir dans l’élaboration d’un “espace de la cause des femmes” en Mongolie contemporaine
Intervenante : Eléa Boënnec (Doctorante à l’Ecole Doctorale de Géographie de Paris (Sorbonne-Université), membre du laboratoire Médiations, science des lieux, science des liens et de l’IFRAE.)

Eléa Boënnec est doctorante à l’Ecole Doctorale de Géographie de Paris (Sorbonne-Université). Elle est membre du laboratoire Médiations, science des lieux, science des liens et de l’IFRAE. Ses travaux portent sur les questions de genre et de sexualité en Mongolie en milieu urbain. En 2019, elle a soutenu un mémoire de recherche (GAELE-MDS) intitulé « Régimes de visibilités et spatialités gaies à Ulaanbaatar ». Ce travail a mis en évidence l’existence de lieux queers dans les interstices de la capitale mongole, caractérisés par leur éphémérité, leur mobilité et leur faible visibilité. Il a aussi mis en avant les transformations touchant aux masculinités sous l’influence des institutions internationales, mais surtout grâce à un militantisme local assidu. Dans la continuité de ce travail sur le genre, Eléa Boënnec s’intéresse aujourd’hui à l’essor des questions féministes à Ulaanbaatar et notamment sur la construction de savoirs contextualisés au sein de processus globaux. Ce travail s’ancre dans thématique plus large de l’asioféminisme, encore sous-étudiée en SHS.

19 décembre 2023 : Réinventer la société sud-coréenne en marge des utopies technicistes, ou comment s’approprier un projet de jeu vidéo
Intervenante : Chloé Paberz (IFRAE / Inalco)

En quelques années, la Corée du Sud a acquis l’image d’un pays pionnier en matière d’informatique. Cette image s’est construite sur une politique volontariste qui a donné lieu à une multiplication de projets d’innovation depuis les années 1990. Nous analyserons l’un de ces projets, qui affiche l’ambition de « révolutionner l’éducation » grâce aux jeux vidéo. Si l’entreprise convainc les institutions et les investisseurs, ses employés s’avèrent très critiques à la fois envers l’objet produit et envers l’idéologie techniciste en général. Si les concepteurs rejettent cette idéologie, comment conçoivent-ils le lien entre technique et société ? Comment leurs idéaux se traduisent-il dans les discours et dans les pratiques quotidiennes du métier ? Comment ces idéaux structurent-ils une culture professionnelle tissée dans le temps long, en rupture avec la temporalité éphémère et accidentée du fonctionnement par projets ?

21 novembre 2023 : La danse des cavaliers mongols, pour une anthropo-histoire de la créativité chorégraphique en Mongolie
Intervenant : Raphaël Blanchier

Aduuchin, la danse des « cavaliers mongols » est composée dans les années 1970 par le chorégraphe national Ts. Sevjid. Elle est emblématique du répertoire de la danse nationale mongole (mongol ündesnii büjig), tant par son thème évoquant les cavaliers des steppes que par son style associant mouvements des danses locales et technique du ballet russe. Les gestes dansés de chevauchée y sont perçus comme typiquement mongols, à tel point qu’un mouvement du clip Gangnam style (2012), du chanteur coréen Psy, est perçu comme un « vol » international fait à la danse mongole. Or, mes recherches en archives rétablissent une filiation entre les Danses Polovtsiennes du chorégraphe russe Fokine (1909) et la danse des cavaliers mongols. La présentation interroge ainsi, au prisme d’une anthropo-histoire de la créativité dansée, les circulations et porosités chorégraphiques au long du XXe-XXIe siècle, et la façon dont certains gestes se stabilisent comme vecteurs d’identités collectives.

Raphaël Blanchier est anthropologue, maître de conférences à l’Université Clermont Auvergne et chercheur associé à l’IFRAE/INALCO

7 novembre 2023 : Le dernier éléphant : genèse d’un récit
Intervenant : Jean-Luc Ville

« Jean-Luc Ville fait parler le vieux chasseur Abajila Guyo qui déroule l’histoire de sa vie, en guidant nos pas dans la brousse du Kenya. Grâce à l’amitié qui unit les deux hommes, nous touchons avec simplicité aux secrets de la délicate quête du gibier, nous partageons l’âpreté et les bonheurs de l’existence ancienne des communautés des chasseurs waata, enfin nous comprenons mieux le mécanisme d’une violence coloniale qui résonne jusqu’à ce jour dans la difficulté de vivre d’Abajila et des siens. Une découverte enthousiaste, réaliste, d’une autre façon d’être homme parmi les arbres et les bêtes. »

Jean-Luc Ville est anthropologue, ancien membre du CESSMA/INALCO

3 octobre 2023 : A la recherche de l’universel
Intervenant : Patrick Deshayes

Avec ce projet, principalement audiovisuel, nous avons pour objectif d’interroger et d’affiner la compréhension de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme dans des langues très différentes afin de rendre compte de la complexité de sa transmission. Pour cela, nous confrontons la traduction officielle de certains articles de la Déclaration avec l’usage paradoxal qui peut en être fait et sa réception dans la culture correspondante. Nous découvrirons que cette traduction, replacée dans son contexte, s’avère parfois éloignée du texte original, et que les différences plus ou moins importantes ainsi soulignées produisent des effets souvent étonnants.

La présentation de ce projet dans le cadre de l’Inalco à pour intention de chercher des partenaires et des collègues connaissant différentes langues et cultures et intéressés à cette expérience de rétrotraduction.

Patrick Deshayes, Professeur émérite en anthropologie. Membre du centre EREA du LESC (UMR 7186). Il est aussi cinéaste documentariste. Américaniste, il est spécialiste des sociétés amazoniennes, particulièrement celle du groupe linguistique Pano.

6 juin 2023 : Le rituel du glenti à Olympos : un fait social total

Intervenante : Melanie Nittis (Inalco)

En Grèce, dans le nord de l’île de Karpathos, le village d’Olympos est considéré comme un haut lieu de la tradition. La communauté villageoise est fortement attachée au rituel du glenti qu’elle pratique tant au sein du village que dans les lieux d’émigration et pour lequel elle a obtenu la reconnaissance comme Patrimoine Culturel Immatériel de la Grèce en 2020. Le glenti est une performance qui associe à la fois musique instrumentale, poésie improvisée et chantée, mais aussi danses, tout en valorisant les relations sociales. Considéré par les villageois comme leur « religion », le glenti constitue un fait social total, selon le concept développé par Marcel Mauss.

9 mai 2023 : La condition des Rohingya en Birmanie et en exil (1990-2022) : réflexions méthodologiques

Avec Alexandra Demersa (INALCO) et Valentina Grillo (Université de Vienne). La décennie de réformes économiques et de brèche démocratique (2011-2021) en Birmanie (Myanmar) a mis sur le devant de la scène le sort tragique des Rohingya de l’Etat d’Arakan (Rakhine), l’exclusion depuis l’indépendance de certaines minorités du droit à la citoyenneté et, plus largement, la construction d’une altérité des musulmans de ce pays. Cette situation n’est pourtant pas inédite et interroge. A quelle(s) condition(s) une ethnographie des Arakanais musulmans est-elle possible ? Comment les contraintes du terrain, qui limitent l’accès à celui-ci et à l’objet d’étude, orientent-elles la méthode ethnographique et la production de données ? Enfin, qu’apporte l’ethnographie à la compréhension de la condition des Rohingya, qu’ils et elles soient réfugié.e.s ou non ?

4 avril 2023 : Le corps-boussole : cosmologie, mémoire et cognition dans le monde chinois – Stéphanie Homola

En Chine et à Taïwan, la main est utilisée dans divers contextes techniques, religieux et de la vie quotidienne pour mémoriser des informations ou faire des computations. En considérant ses diverses pratiques comme une manière commune de modéliser la connaissance, ce travail étudie comment les compétences et les formes de sociabilité qui se développent autour de ces pratiques favorisent l’appropriation et la diffusion d’un type de connaissances non discursives structurées sous forme de données.

Stéphanie Homola est chargée de recherche au CNRS, membre de l’Institut Français de Recherche sur l’Asie de l’Est. Anthropologue, spécialiste de la Chine et de Taïwan, elle s’intéresse aux pratiques de divination chinoises et est l’auteur de The Art of Fate Calculation. Practicing Divination in Taipei, Beijing, and Kaifeng. New York : Berghahn Books, 2023.

14 mars 2023: Anthropologie et terrain : de la monographie au roman – Marie Caroline Saglio-Yatzimirsky

Marie Caroline Saglio-Yatzimirsky est anthropologue et psychologue, Professeur des Universités en anthropologie sociale à L’INALCO, Département Asie du Sud,  et chercheur statutaire au Centre d’Etudes en  Sciences Sociales sur les Mondes Africains, Américains et Asiatiques (CESSMA, UMR 245, IRD-Paris Diderot-INALCO). Elle est directrice adjointe de l’Institut Convergences Migrations.  Elle poursuit ses enseignements et ses recherches sur les questions de la culture et de l’exclusion en Inde et au Brésil et sur le lien entre anthropologie, psychologie et psychanalyse avec des partenaires européens, indiens et brésiliens. Elle assure depuis 2010 une consultation de psycho traumatologie avec des demandeurs d’asile à l’hôpital Avicenne (Bobigny). Après la publication d’une dizaine d’ouvrages scientifiques et essais en anthropologie et psychologie, elle sort son premier roman, Bombay, aux éditions Serge Safran.

7 février 2023: Dream Chasers: Becoming Urban in the New China – Willy Sier

In the first part of this talk, I will talk about my book project Dreams Chasers. Based on long-term ethnographic fieldwork (2015-2016, and 2017) in Wuhan and rural villages and towns in China’s Hubei province, this book tells the stories of the millions of young, Chinese people from rural backgrounds who try to carve out a space for themselves in China’s urban society by becoming the first person in their families to enroll in university. It shows how a new mobility pattern that brings young people from the countryside to Chinse cities as students, not as workers, has taken hold of Chinese society and analyzes how China’s educational expansion drives the renegotiation of rural-urban relations in Chinese cities. In the second part of this talk, I will introduce the collaborative film making and photography projects I conducted during the time of the COVID-lockdowns in China and show one of the short documentaries made in this period.

Willy Sier is assistant professor in the department of anthropology at Utrecht University, the Netherlands. She works on questions of mobility and identity, rural-urban relations, gender and education, and enjoys producing both written and visual output. Willy first move to Beijing when she was 18-years old to study Mandarin and has since then been very interested in the country, first as a language student, later as an anthropologist.


Contact: stephanie.homola@cnrs.fr