Décrire le local : monographies, archives, et cartes

Dans le monde chinois, la maîtrise de l’espace est consubstantielle de sa construction politique. Selon la légende, Yu le Grand aurait régulé les eaux avant de fonder la première dynastie chinoise. Au sein d’un tel ordonnancement spatial de la souveraineté, le point stratégique qu’est le centre a pour vocation de contrôler la périphérie. Des émissaires ont ainsi été mandatés depuis l’antiquité par la cour afin de collecter des informations aux quatre coins du pays. À partir des Han de l’Est, les élites locales ont commencé à « recentrer » leurs périphéries en représentant la faune et flore, les us et coutumes, et la configuration géographique de leurs régions.  C’est dans ce contexte que les premiers écrits locaux ont vu le jour. Ils ont proliféré et se sont structuré durant le haut Moyen Âge, pour constituer, sous les Song, un genre à part entière et fondamental de l’historiographie chinoise : les « monographies locales » (difangzhi ???). Toutefois, les descriptions locales ou régionales ont continué à être exprimées sous la forme de récits, de cartes, d’inscriptions ou d’archives. Qu’ils relaient un discours officiel ou proposent une vision personnelle, les documents locaux dessinent un paysage social fort individualisé et détaillé, offrant ainsi un contrepoint bienvenu à l’historiographie officielle. Depuis la seconde moitié du XXe siècle, les archives surgissent et les publications se multiplient : l’histoire régionale et locale suscite un vif intérêt, tangible dans l’émergence de l’École du sud de la Chine (huanan xuepai ????), ou la numérisation accélérée de vastes corpus documentaires. Si la sinologie francophone peut se targuer d’une approche microhistorique ancienne et d’un usage éprouvé des monographies locales, le temps est venu de proposer un état des lieux des connaissances du local, et de réfléchir aux nouvelles approches et méthodes qui s’ouvrent. 

Organisateurs : Pan Junliang (Université Paris Cité, IFRAE) Alexis Lycas (EPHE, CRCAO) Claude Chevaleyre (CNRS, IAO)

Référent : junliang.pan@u-paris.fr

Lieu : Institut d’Asie orientale, Lyon.

Date : 17 mai 2023.

Usages et valeurs du noir

Les journées Asie « Usages et valeurs du noir », proposées dans le cadre du CEEI et de l’IFRAE les 7 et 8 juin 2022, se donnent pour but d’explorer la richesse conceptuelle de la notion de noir et la multiplicité des enjeux qu’elle ouvre dans l’étude du texte, de l’écriture, de l’image, des formes mixtes. Les théories esthétiques et sémiotiques du noir, les fonctions et usages du noir dans les écritures et les arts graphiques, le rapport vide / plein dans la création, le vocabulaire du noir (comparaisons linguistiques et constructions culturelles), le rôle du noir en littérature pourront être abordés.

Sesshū, 1420-1506, lavis d’encre sur papier

Dans la peinture monochrome de l’Asie orientale, la dualité noir/blanc, foncé/clair, dense/clairsemé doit se comprendre comme une émanation du binôme cosmique des deux principes opposés et complémentaires qui donnent naissance à tous les phénomènes entre ciel et terre, le Yin et le Yang. Il en va de même en calligraphie, où le signe d’écriture doit sa valeur au noir, qui ne se conçoit qu’en rapport avec le blanc. Le noir est également la couleur du chaos primordial (玄xuan), que l’on retrouve dans la mythologie Shintô. L’esthétique de l’obscurité (闇 yami) au Japon est la base de l’architecture de la maison de thé et du théâtre nô. La vision de la nature plongée dans l’ombre se retrouve comme un leitmotiv dans la poésie, la fiction et la peinture. Le noir est étroitement associé à la pensée de l’empreinte : estampage, estampe, typographie, xylographie, manière noire en gravure, imprimé, photographie, électrographie, cinéma… Une recherche d’élégance typographique a prévalu également, notamment dans les hypergraphismes. Le noir et blanc est devenu si familier que lorsque se développeront la photographie, le cinéma et la télévision en couleur, ils seront d’abord jugés vulgaires et tape-à-l’œil.

La littérature retiendra également notre attention. La couleur noire caractérise certains genres ou courants (roman noir, roman gothique, romantisme noir) par les valeurs symboliques qu’elle incarne : ainsi, dans la religion chrétienne, elle est associée au mal, aux péchés, aux démons. Qu’en est-il en Chine, en Corée ou au Japon ? En Europe, le mouvement romantique fait du noir une couleur à part entière en l’identifiant aux états d’âme liés à la nuit, à la mélancolie, au mal d’être. Le noir évoque aussi la révolution industrielle, le charbon, la fumée des usines, le goudron. Certains poètes s’en emparent. L’aspect mystérieux, fantastique ou subversif du noir apparaît également dans certains faits linguistiques. Alors que dans toutes les langues européennes, il existe ainsi de nombreuses locutions d’usage courant qui soulignent la dimension secrète, menaçante ou funeste du noir, la couleur noire n’a, à l’origine, rien de négatif en Asie orientale : elle représente par exemple impartialité, honnêteté et justice sur les visages peints de l’opéra de Pékin.  

Divers auteurs ont approché la notion de noir selon des orientations épistémologiques variées (Anne-Marie Christin, Michel Pastoureau, Gérard-Georges Lemaire, Annie Mollard-Desfour…), à l’aide de concepts tels que l’empreinte, la plénitude, la transgression, l’ambiguïté, etc. Nous réfléchirons à la question fondamentale de l’ombre et de la lumière et aux contrastes.  La nuit noire exerce sur l’homme une puissante fascination en le confrontant à ses limites : limites de ses capacités sensorielles, mais également limites dans la perception de l’infini de l’univers qui nous renvoie au mystère des trous noirs et de la matière noire. Celle-ci, invisible, n’est révélée que par son pouvoir de perturbation de la matière visible. Le noir, optiquement, est d’abord la négation de la lumière. Il est la couleur de la nuit, par opposition à la clarté du jour, donc de tous les fantasmes, fantômes, esprits maléfiques qui nourrissent l’imagination. Le test de Rorschach (1921) est basé sur l’interprétation de taches d’encre noire : on parle à ce sujet de choc du noir, qui aurait un effet déclenchant sur l’imaginaire. Au contraire du blanc, le noir semble marquer « l’amoindrissement, voire la disparition de tout processus perceptif » (Florence de Mèredieu).

Les interventions, qui auront trait à l’Asie orientale, pourront relever de multiples disciplines. Les propositions (résumés accompagnés de mots-clés et d’une bibliographie et d’une mini-biographie de l’auteur), en français ou en anglais, pourront être envoyées jusqu’au 28 février 2022 à Isabelle Charrier et Marie Laureillard aux deux adresses suivantes : le-mat.isabelle@orange.fr et mlaureillard@free.fr


Bibliographie indicative (en langues occidentales) :

Aubenas, Sylvie ; Conesa, Héloïse ; Triebel, Flora ; Versavel, Dominique (dir.), Noir & blanc – une esthétique de la photographie – collection de la Bibliothèque de France, Paris, Réunion des musées nationaux – Grand Palais, 2020
Cheng, François, Vide et plein : le langage pictural chinois, Paris, Seuil, 1991
Christin, Anne-Marie, « Silences du noir », dans Andreas Beyer & Laurent Le Bon (dir.), Silence. Schweigen, Berlin & Munich, Deutscher Kunstverlag GmbH, 2015, p. 277-293
Escande, Yolaine, L’art en Chine : la résonance intérieure, Paris, Hermann, 2001
Escande, Yolaine, « L’encre », dans Alain Montandon (dir.), Le dictionnaire littéraire de la nuit, Paris, Champion, 2013, p. 421-431
Illouz, Claire, Les Sept trésors du lettré : les matériaux de la peinture chinoise et japonaise, Puteaux, EREC, 1985
Lavandier, Marie ; Guepratte, Juliette ; Piralla, Luc (dir.), Soleils noirs, Paris, Lienart, 2020
Linhartova, Věra, Sur un fond blanc : écrits japonais sur la peinture du XIe au XIXe siècle, Paris, le Promeneur, 1996
Mollard-Desfour, Annie, Dictionnaire des mots et expressions de couleur : le noir, Paris, CNRS Éditions, 2005
Pastoureau, Michel, Histoire du noir, Paris, Seuil, 2008
Petrucci, Raphaël, Encyclopédie de la peinture chinoise : Les enseignements de la Peinture du Jardin grand comme un Grain de Moutarde, Paris, You Feng, 2014 [Paris, H. Laurens, 1918]
Tanizaki, Junichirō, L’éloge de l’ombre (trad. René Sieffert), Paris, Publications orientalistes de France, 1993 

Appel d’offre – Contrat postdoctoral Sheng Yen pour la recherche sur le bouddhisme chinois

Concours 2021

Avec le soutien de la Sheng Yen Education Foundation (Taiwan), le Centre d’études interdisciplinaires sur le bouddhisme (CEIB) propose un contrat postdoctoral (15 mois) en 2021 à de jeunes docteurs travaillant sur le bouddhisme chinois (汉传佛教). Le CEIB est un centre français consacré aux études sur le bouddhisme, toutes disciplines scientifiques réunies. Crée en 2016, il s’appuie sur l’expertise et le réseau constitués depuis des années par les collègues de ses trois établissements cofondateurs – INALCO, EPHE et Collège de France – et d’autres institutions françaises, afin de mieux relever les défis scientifiques liés aux mutations religieuses et aux reconfigurations disciplinaires, tout en préservant et en promouvant l’héritage français de deux siècles d’études bouddhiques. Le CEIB est rattaché à l’équipe ASIEs de l’INALCO, et géré par l’INALCO sur les plans comptable et administratif.

1. Conditions d’éligibilité du post-doctorant : sont éligibles les candidats ayant obtenu leur doctorat en France ou à l’étranger depuis moins de 5 ans à la date de la clôture de l’appel (30 avril 2021) ; il est obligatoire que la thèse de doctorat ait été soutenue au moment du dépôt du dossier.

2. Le chercheur postdoctoral assure la conduite scientifique et technique de son projet, avec le soutien et sous la direction du CEIB. Il doit également contribuer aux services d’intérêt commun du CEIB, notamment pour l’organisation et la valorisation des activités scientifiques du CEIB. Un contrat précisant les obligations du post-doc sera signé par le CEIB et le candidat sélectionné.

3. Date de début du contrat : dès que possible.

4. Lieu d’exercice : IFRAE, CNRS site Ivry, 27 Rue Paul Bert, 94200 Ivry-sur-Seine ; INALCO, 2 rue de Lille, 75007 Paris et d’autres sites de l’INALCO.

5. Langues de travail : français, anglais et chinois.

6. Le montant du salaire net mensuel est d’environ 2000 €.

7. Composition du dossier de candidature (le dossier doit être rédigé en français ou en anglais) :

– Lettre de candidature et de motivation (1 page) ;

– Curriculum vitae détaillé et liste des publications (5 pages maximum) ;

– Projet de recherche (dont le thème est exclusivement sur le bouddhisme chinois) : entre 10 000 et 20 000 signes, espaces compris, pour le texte lui-même, en plus d’un résumé de 100-200 mots et d’une bibliographie ;

– Rapport de soutenance de thèse (s’il existe) ;

– Copie (scannée) du diplôme de doctorat ou de l’attestation de réussite au diplôme de doctorat.

Les documents ci-dessus doivent être présentés en un seul fichier au format pdf, en respectant l’ordre des documents.

– Une publication significative : un article de recherche publié (sous forme imprimée ou en édition électronique) ou accepté pour publication par un Comité de lecture (ici aussi, le document est à soumettre sous format pdf).

8. Dépôt du dossier de candidature : le dossier (un seul fichier intitulé « CEIB Sheng Yen Postdoc [le nom du candidat] », au format pdf) et la publication significative (au format pdf) doivent être envoyés avant le vendredi 30 avril 2021, aux deux destinataires suivants :

M. JI Zhe, Directeur du CEIB : zhe.ji@inalco.fr

et

M. Nicolas SIHLE, secrétaire général du CEIB : nicolas.sihle@cnrs.fr

Bourse doctorale et aide à la recherche en études japonaises – Programme du Sanctuaire de Meiji

Le Sanctuaire de Meiji (Tôkyô) propose aux membres de l’IFRAE une bourse doctorale d’un million de yens (8000 euros environ) pour financer un séjour de recherches (pouvant s’étaler de 8 à 12 mois et pouvant débuter à partir d’octobre 2020) et une aide à la recherche pour les enseignants-chercheurs de l’IFRAE-Inalco de 1300 euros pour compléter, typiquement, le financement d’une mission de recherches au Japon.

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Doctorat études japonaises et/ou sociologie de genre

Contrat doctoral avec mobilité internationale.
L’Ifrae accueillera un.e doctorant.e sur la thématique suivante : “Sociologie des violences de genre au Japon”. Il.elle sera dirigé.e par Isabelle Konuma (Inalco, IFRAE) et sera rattaché.e à l’UNIFRE 19 (Institut français de recherches sur le Japon à la Maison franco-japonaise à Tokyo) au cours de ses séjours de recherche au Japon. 

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Journée d’étude : Voisinages en Asie. Enjeux politiques, mobilisations, pratiques sociales

Cette journée d’Etudes est organisée par l’équipe Populations japonaises (IFRAE – CRCAO) et prévue pour fin janvier 2021 (en raison de la situation sanitaire actuelle, la date de la journée sera précisée ultérieurement)
Nouvelle date limite d’envoi des propositions : 27 juin 2020

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L’appropriation de la biomédecine en Asie du Sud-Est

Ce numéro de Moussons propose d’analyser les pratiques biomédicales – issues de la médecine scientifique d’origine occidentale – en Asie du Sud Est, en s’intéressant à leur diversité de formes et d’usages.

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Maître(s) et disciple(s) dans les littératures d’Asie

Pour son Dictionnaire philosophique (PUF, coll. « Quadrige », 2013), André Comte-Sponville donnait, à l’entrée « Maître », la définition suivante : « Celui qui enseigne, guide ou commande. Les trois à la fois ? Pas nécessairement. Cela dépend en partie de lui, de ce qu’il sait ou peut, mais aussi de ceux dont il est le maître : sont-ce des élèves, des disciples ou des esclaves ? »

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Pluralité et tolérance religieuses en Asie de l’Est

Une tendance récente de la recherche dans notre monde globalisé s’intéresse à la pluralité et la tolérance religieuses. La notion de « pluralité religieuse » qualifie ici la situation dans laquelle plusieurs expressions et organisations religieuses coexistent dans une même société. Les traditions religieuses fondées sur une vérité unique et une foi exclusive ont souvent été considérées comme un obstacle à la cohésion sociale et une source de conflits dans des sociétés plurielles. En Asie de l’Est, différentes traditions religieuses cohabitent depuis près de deux millénaires, mais l’histoire de leur relations n’est pas dénuée de tensions souterraines.

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Cultural Heritage, Identities & Perspectives: Responding to Changing Societies Joint Call

The Joint Programming Initiative on Cultural Heritage and Global Change (JPI CH) is pleased to announce a new funding opportunity for transnational proposals.
Scholars are invited to submit research proposals on the role of heritage in society from different (inter)national perspectives and value systems. This includes questions such as what role heritage plays in the formation of identities, how institutions can manage heritage in an inclusive manner, and to what extent digitization contributes to meaningful access to heritage. The call aims to support interdisciplinary research that is set up and carried out by transnational consortia within the context of a single project.

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