Entretien avec Lia Wei


Recrutée par l’Inalco en tant que Maître de conférences pour enseigner l’Histoire de l’art et archéologie de le Chine, Lia Wei a rejoint l’IFRAE le 1er septembre 2021.

Qu’est-ce qui vous a amenée à votre discipline et à votre aire d’étude ? 

J’ai eu la chance de passer mes années d’enfance en Chine et au Vietnam, et d’avoir hérité la passion pour l’art de la Chine ancienne de mes parents. C’est la pratique de la calligraphie – traditionnelle et contemporaine – qui m’a amenée à m’intéresser à la question de la transmission, et à la tension entre culture lettrée et matérialité. En effet, la pratique calligraphique et la gravure de sceaux ne peuvent se passer d’une réflexion théorique sur l’histoire de la culture visuelle et matérielle au sens large, c’est ce qui m’a amené à poursuivre des études en histoire de l’art et archéologie. La tension entre sources écrites et preuves archéologiques, signe et matière, continue d’exercer sur moi une formidable attraction.

Pouvez-vous présenter votre parcours académique en quelques mots ?

Après quelques années d’apprentissage de maître à élève, le passage en académies d’art à Hangzhou et Chongqing m’a ouvert à la diversité de l’écriture chinoise, et m’a lancé sur les traces d’une « autre histoire de l’écriture ». Une fois sur le terrain, ce sont les épigraphies en milieu montagneux des dynasties du Nord qui m’ont décidé à franchir le pas entre appréciation esthétique et recherche archéologique. Enfin, grâce à ma thèse sur les tombes de falaises des Han orientaux dans le haut-cours du Fleuve Bleu, j’ai pu nouer des liens de collaboration durable avec les institutions patrimoniales ou muséales en RPC à tous les niveaux (comté, municipalité, province, etc…), et à toutes les échelles territoriales. Les années de thèse m’ont également permis de participer pendant quelques années au milieu très actif de recherche sur les arts et l’archéologie de l’Extrême-Orient au Royaume-Uni, en particulier à la School of Oriental and African Studies et University College of London. Au fil des allers-retours, j’ai pu me familiariser avec le quotidien de l’enseignement et de la recherche au sein d’institutions chinoises comme l’Université Renmin de Chine, ou le Sichuan Fine Arts Institute. Quand cela était possible, j’ai partagé le contact physique privilégié dont je bénéficiais avec les objets et les sites avec un public plus large. J’ai notamment organisé « Lithic Impressions », une série d’expositions de peinture à l’encre contemporaine et des ateliers d’estampage in situ pour des artistes et étudiants chinois ou Européens.

Que représentent l’Inalco et l’IFRAE pour vous ?

C’est un nouveau paysage académique qui s’offre à moi, ici à Paris, au cœur de la sinologie française, dans une ville truffée de bibliothèques et de musées, et à travers une mosaïque d’institutions que j’apprends à naviguer. Je vais pouvoir partager mes recherches avec une toute autre audience, d’étudiants ou de pairs : j’espère apprendre beaucoup de ces interlocuteurs. C’est aussi l’occasion d’opérer un retour dans ma langue, le français, après de longues années consacrées à la maîtrise d’autres langues et traditions de recherche.

Quels sont vos thèmes de recherche et projets à venir ?

Je demeure fascinée par les relations entre univers lettré et culture matérielle, un mariage parfois malheureux, mais aussi une occasion de prendre à la racine le divorce entre culture et technique. Aujourd’hui en effet, ces relations définissent les pratiques patrimoniales en RPC, à l’ombre d’une autre définition du monument, d’autres pratiques de mise en mémoire. En Chine médiévale, mon intérêt se porte sur les œuvres atypiques d’épigraphies en plein air comme celles de Zheng Daozhao et Seng’An Daoyi (tous deux actifs au 6e siècle de notre ère), de véritables paysages inscrits, ou sur les paysage funéraires aux marches de l’Empire, une autre manière d’ « inscrire le territoire ».

Quels projets du laboratoire allez-vous rejoindre ?

Je pense en premier lieu aux historiens de l’art impliqués dans l’axe 1, thème 2 « Sources visuelles, sources textuelles : approches interdisciplinaires de l’image ».

J’explore également des idées de projets avec certains chercheurs en histoire ou sociologie des religions, au sein de l’axe 3.

Souhaiteriez-vous adresser quelques mots aux membres de l’IFRAE ?

Je prévois de fructueuses collaborations avec les nombreux membres de l’IFRAE dont les orientations disciplinaires ou régionales coïncident avec les miennes. Au plaisir de vous rencontrer… !