Entretien avec Yejin Cha

Recrutée par l’Inalco en tant que Maître de conférences pour enseigner l’Histoire contemporaine au département d’études coréennes, Yejin CHA a rejoint l’IFRAE le 1er septembre 2021.

Qu’est-ce qui vous a amenée à votre discipline et à votre aire d’étude ? 

Durant ma licence double cursus en sociologie et en langue et littérature coréennes, j’ai pu développer un intérêt constant pour le rapport entre l’art et la société. Les contextes sociaux des faits observés occupaient ainsi une place considérable dans mes deux recherches de second cycle en arts du spectacle, portant respectivement sur la représentation du lycée dans le cinéma sud-coréen et l’apparition de l’acteur moderne dans le théâtre en Corée. Menant ces recherches couvrant d’un côté le dernier tiers du XXe siècle et, de l’autre, la période de colonisation japonaise, j’ai pris conscience de la nécessité et de la pertinence de la méthode historique dans le traitement des questions que je me posais et dans l’analyse des sources sur lesquelles je m’appuyais. Mon intérêt grandissant pour la discipline a rejoint aussitôt l’attention particulière que je portais au métier d’acteur, pour m’amener à entreprendre une thèse de doctorat visant à la mise en perspective historique de la constitution de ce métier au sein de la société coréenne.   

Pouvez-vous présenter votre parcours académique en quelques mots ?

Après ma formation initiale en sciences humaines et sociales effectuée à l’Université Yonsei à Séoul, j’ai fréquenté une école de cinéma à Paris, où j’éprouvais souvent la soif d’aborder les films comme des faits sociaux, mis dans leurs contextes de production et de réception. Je me suis alors réorientée vers la voie de la recherche en suivant le cursus de maîtrise de cinéma puis celui de master de théâtre à l’Université Sorbonne Nouvelle. Avec l’envie d’approfondir mes problématiques liées au groupe professionnel des acteurs, au-delà du domaine des études théâtrales, je me suis inscrite en doctorat en Histoire et civilisations à l’École des hautes études en sciences sociales. À la suite de l’obtention de mon diplôme en 2018, j’ai mené une recherche postdoctorale grâce à une bourse octroyée par le Réseau des études sur la Corée, tout en enseignant en tant que chargée de cours dans le département d’études coréennes à l’Inalco. J’ai exercé par la suite les fonctions d’ATER pendant deux années (2019-2021) à l’Université Paris Cité.

Que représentent l’Inalco et l’IFRAE pour vous ?

Les liens que je tisse avec l’Inalco sont avant tout personnels : c’est l’établissement dans lequel j’ai acquis ma première expérience d’enseignement ; c’est aussi là où j’ai découvert ce grand plaisir d’enseigner et où je continuerai d’exercer mon métier d’enseignant-chercheur. Grâce à mon recrutement à l’Inalco, j’ai également obtenu cette chance d’intégrer l’IFRAE au sein duquel les réflexions sur l’Asie de l’Est s’enrichissent sans cesse à travers les croisements de regards issus de différents horizons culturels et disciplinaires.

Quels sont vos thèmes de recherche et projets à venir ?

Le premier volet de ma recherche, qui englobe la période d’après-libération (1945-1948), s’interroge sur l’expérience de la décolonisation des Coréens et les processus identitaires qui en découlent. Portant une attention particulière à l’espace public qui se revivifie alors, il consiste à discerner comment les enjeux de la construction s’imposent dans les discours et les actions des individus, à différentes échelles de configuration où s’inscrivent ceux-ci, concernant aussi bien l’État-Nation que leur groupe professionnel respectif. Le deuxième volet vise à éclairer les façons dont la mémoire collective du passé colonial se construit dans la société sud-coréenne. Il s’intéresse aux divers lieux où s’élaborent les représentations sociales de la domination japonaise, tels que les productions artistiques, les discours médiatiques ou les événements nationaux comme les JO. Une partie des questions porte en particulier sur les manières dont la politique de l’État s’articule avec l’ensemble des sentiments, des émotions et des idées qui se manifestent en relation avec ce passé. À ces deux volets de recherche j’ajouterais un projet concernant l’activité professionnelle des femmes durant le premier tiers du XXe siècle en Corée, étroitement liée à la fois à la mutation socio-économique du pays et à l’évolution des normes sociales de genre.

Quels projets du laboratoire allez-vous rejoindre ?

Je souhaite m’inscrire dans l’Axe II « Trajectoires et généalogies de l’Asie de l’Est contemporaine » et participer, en particulier, à deux projets : « L’olympisme en Asie de l’Est, d’hier à demain » du Thème 1 (État et forces sociales à travers l’histoire) et « Genre en Asie » du Thème 3 (Questions de sociétés : les enjeux contemporains en Asie de l’Est).  

Souhaiteriez-vous adresser quelques mots aux membres de l’IFRAE ?

L’idée d’intégrer l’IFRAE et d’échanger avec ses membres à travers ses activités me réjouit déjà énormément. Tout en bénéficiant du fruit des recherches qui y sont réalisées, j’aspire à contribuer aussi aux travaux menés en son sein.