La Littérature taïwanaise : état des recherches et réception à l’étranger

Dates :  Jeudi 29 septembre 2022 – Samedi 1 octobre 2022
Lieu : Université Bordeaux Montaigne & Inalco

Organisé par l’Institut français de recherche sur l’Asie de l’Est – IFRAE (Inalco-Université Paris Cité-CNRS) et le Centre d’études et de recherches sur l’Extrême-Orient – CEREO – équipe Plurielles : Langues, Littératures, Civilisations (Université Bordeaux Montaigne), avec le soutien du Ministère de la Culture de Taiwan.

Coorganisateurs :

Isabelle RABUT
Tan-Ying CHOU
Angel PINO
 

Jeudi 29 et vendredi 30 septembre 2022 – Salle Jean Borde
Université Bordeaux Montaigne – MSH – 10, esplanade des Antilles – 33607 Pessac

Samedi 1er octobre 2022 – 9:00-21:00 – Auditorium de l’Inalco
Inalco, PLC – 65, rue des Grands Moulins – 75013 Paris

La littérature taïwanaise, comme les études taïwanaises en général, prennent de plus en plus d’importance dans le champ scientifique hors de Taiwan, en France notamment. Ce colloque se propose de prendre la mesure des changements survenus dans ce domaine depuis le premier colloque organisé sur le même thème il y a dix-huit ans (2004), à un moment où la recherche n’en était alors qu’à ses balbutiements.

Deux films documentaires consacrés à des auteurs taïwanais et réalisés par la maison de production taïwanaise Fisfisa Media seront projetés au cours de la manifestation, en présence d’une productrice exécutive.

La séance inaugurale sera retransmise en direct sur Zoom : 
29 sept. 2022 – 09:00
https://u-bordeaux-montaigne-fr.zoom.us/j/86464177475?pwd=ejRraGszVmJIaE…
ID de réunion : 864 6417 7475
Code secret : 013933

Partenaires :

Centre d’études et de recherches sur l’Extrême-Orient (équipe Plurielles : Langues, Littératures, Civilisations – UR 24142), UBM (coorganisateurs : Tan-Ying CHOU et Angel PINO)
Ministère de la Culture de Taiwan

Écrire dans la langue d’un Autre non-occidental

Journée d’études du groupe Populations japonaises (Ifrae/CRCAO)

Le choix de la langue d’écriture est une question majeure pour les écrivain·e·s en situation de plurilinguisme. Le rapport de force entre les différentes langues les conduit parfois à utiliser une autre langue que leur langue maternelle, voire même les y contraint. Pascale Casanova explique le bilinguisme collectif en terme de domination[1]. Son observation porte en particulier sur le bilinguisme entre langues occidentales dominantes et langues « non dominantes ». De telles situations linguistiques, résultant le plus souvent de la colonisation, ont donné naissance aux littératures africaine, maghrébine, latino-américaine, caribéenne, etc., écrites en français, anglais ou espagnol.

Cependant, la langue de l’Autre dans laquelle un·e auteur·e écrit peut être différente, quand le rapport de domination s’est établi hors du contexte de la colonisation occidentale. Comment ces auteur·e·s sont-elles/ils alors conduits à faire ces choix de langue ? Quelles sont les stratégies d’écriture adoptées ? Notre objectif est de dresser un état des lieux de ces littératures écrites dans la langue de l’Autre hors de la sphère occidentale et d’en examiner les enjeux et les perspectives. 

Date : 14 octobre 2022

Organisatrices : Mayumi Shimosakai (université d’Orléans) et Aki Yoshida (IFRAE, université de Paris)

Financements : IFRAE et université d’Orléans

Participants provisoires :
Sadia Agsous (CRFJ -Centre de recherche français à Jérusalem)
Makiko Andro-Ueda (IFRAE, Inalco)
Ayame Hosoi (université Lyon 3)
Lara Maconi (CEH, CRCAO, Inalco)
Gérald Peloux (CY Cergy Paris Université)
Mayumi Shimosakai (université d’Orléans)
Aki Yoshida (IFRAE, Inalco)


[1] Pascale CASANOVA, La Langue mondiale, Traduction et domination, Paris, Le Seuil, p. 17.

Peut-on rendre compte langagièrement de la vérité ? Introduction à la philosophie du Zen et de l’ésotérisme du moyen âge

真理は語り得るか。中世禅密序説

Dates : Samedi 25 juin 2022 – 09:00 – 11:00
Lieu : En ligne

Conférence du groupe d’étude de philosophie japonaise. 

M. Fumihiko SUEKI (末木文美士), professeur émérite à l’Université de Tôkyô et au Centre international de recherche sur les études japonaises Nichibunken

La communication sera en japonais suivie de présentation résumé en français par M. Frédéric GIRARD (professeur émérite à l’EFEO)

Pour le lien Zoom, prière de contacter : takako.saito@inalco.fr à partir du 22 juin 2022

contact courriel :
takako.saito@inalco.fr
akinobukuroda@gmail.com
arthur.mitteau@univ-amu.fr,
simon.ebersolt@gmail.com

Résumé
 La collection d’ouvrages sur le Zen médiéval, en 12 volumes (y compris une annexe) intitulée « Chûsei zenseki sôkan », a été publiée entre 2013 et 2019, par la maison d’édition Rinsen de Kyōto. Elle recueille des reproductions photographiques ainsi que des réimpressions de manuscrits concernant la littérature médiévale du Zen, dûment présentées et introduites.
 Elle rassemble notamment les manuscrits de l’archivium Ôsu de Hôshôin du temple Shinpukuji de l’école de la Vraie Parole (branche Chizan ) de Nagoya ainsi que des manuscrits conservés à l’archivium de la bibliothèque Kanazawa bunko du temple Kintakusan Shômyôji de l’école disciplinaire de la Vraie Parole.
 Il est à remarquer que l’on a découvert, dans le temple Shinpukuji, des textes inconnus jusqu’à nos jours de la main de Eisai (1141-1215) et de En.ni (1202-1280). Ils nous ont apporté une nouvelle vision qui met à mal les idées les plus répandues que l’on a sur le Zen médiéval, parce qu’ils sont profondément associés avec l’enseignement de l’école de la Vraie Parole. Les textes de Eisai sont ceux qui ont été consignés avant son deuxième voyage en Chine sous les Song et qui traitent exclusivement de l’enseignement de l’école de la Vraie Parole. Concernant les textes de En.ni (qui fonda le temple Tôfuku) et de son disciple Chikotsu Daie (1229-1312), de l’école Zen Rinzai ésotérisée, la collection comprend de nombreux texte de ce dernier, parce que le bouddhisme ésotérique du courant de Chikotsu Daie fut étudié dans le temple Shinpuku. En outre, des textes jusqu’alors inconnus de En.ni
ont été également découverts. Comme ils traitent du Zen dans un contexte ésotérique, il apparaît de façon patente que leur conception du Zen était étroitement liée avec l’ésotérisme.
En présentant ces textes nouvellement découverts, ma communication se propose d’étudier la possibilité ou non d’exprimer verbalement la vérité, ce qui était en question chez eux. Le Zen insiste sur le fait que « l’éveil n’est pas transmissible au moyen du langage (Furyû moji) » en soulignant le fait qu’il est impossible de rendre compte de la vérité ultime de façon notionnelle et que l’on peut seulement la réaliser par le vécu. En revanche, l’ésotérisme insiste sur la prédication de la vérité ultime (qu’est la Loi) grâce au corps de la Loi (Hosshin). Cette question était, par conséquent, fondamentale aux 12e et 13e siècles aussi bien pour le Zen que pour l’ésotérisme et c’est pourquoi elle
fut étudiée ardemment.

Nous examinerons les points suivants :
1. Nous examinerons le sens de la « prédication de la Loi par le corps de la Loi (Hosshin seppô)» chez Kûkai (774-835), car ce concept était la base de discussions au 13e siècle.
2. Avant son deuxième voyage en Chine, Eisai affirma, dans le débat qu’il a entretenu avec le moine Songa dans la région du nord de Kyûshû, que seule était valide la « prédication de la Loi en corps de nature propre (Jishôshin seppô)», alors que Songa a mis en avant la seule « prédication de la Loi en corps d’auto-fruition (Jijuyôshin seppô)». Quel sens et quel rapport avec le Zen de Eisai ce débat peutil avoir ?
3. En.ni pose la question de la possibilité (ou l’impossibilité) d’exprimer à l’aide du langage la vérité ultime dans l’ésotérisme.
4. La position de Dôgen (1200-1253) diffère de ces deux positions. Selon lui, la vérité est dicible (Dôtei/Dôtoku). Comment peut-on comprendre le fait ?

Nous examinerons cette problématique à travers des discussions des 12e et 13e siècles où le Zen et l’ésotérisme n’étaient pas considérés indépendamment l’un de l’autre.

Cf. 末木文美士,「中世禅の形成と知の交錯」(末木文美士監修/榎本渉・亀山隆彦・米田真理子編 『中世禅の知』, 臨川書店, 2021),(拙著『禅の中世』、臨川書店、2022 予定に改稿収録)

Conférence – lecture de poésie par ITÔ Hiromi

Dates : Samedi 18 juin 2022 – 17:00 – 19:00
Lieu : Salle 479 C, Université Paris Cité, Grands Moulins, 5 rue Thomas Mann, 75013 Paris

La conférence-lecture sera introduite par Makiko UEDA-ANDROCécile SAKAI et Anne BAYARD-SAKAI
上田=アンドロ・眞木子 : 現代詩と女性性について
坂井セシル : 伊藤比呂美の場所
坂井=バヤール・アンヌ、伊藤比呂美
対談 :「今詩を書くこと、作品をめぐって」

伊藤比呂美、朗読会
「カノコ殺し」「ナシテ・モーネン」「意味の虐待」
「河原荒草」(2006年)より 「とげ抜き・新巣鴨地蔵縁起」(2007年)より

ITÔ Hiromi : née en 1955 à Tokyo, elle est aujourd’hui l’une des plus grandes poétesses du Japon. Son œuvre puissante et audacieuse, en vers libres, s’inscrit initialement dans des thématiques féministes qui croisent les questions du corps, de la sexualité, de la langue, de la domination. Après être restée plus de vingt ans en Californie, ITÔ, de retour au Japon, à Kumamoto, explore aujourd’hui dans une perspective bouddhiste les contours de la maladie et de la mort. Auteure d’une douzaine de recueils poétiques, elle a également publié des romans et des essais importants. Ses œuvres sont traduites en anglais et en allemand, notamment :Itô, Hiromi (2009), Killing Kanoko: Selected Poems of Hiromi Itō, translated by Jeffrey Angles. Notre Dame, Action Books.

  • Itô, Hiromi (2014), Wild Grass on the Riverbank, translated by Jeffrey Angles. Notre Dame, Action Books.
  • Itô, Hiromi (1997), Mutter töten, translated by Irmela Hijiya-Kirschnereit. St. Pölten, Austria: Residenz verlag GmbH.
  • Itô, Hiromi (2021), Dornauszieher – Der fabelhafte Jizô von Sugamo, translated by Irmela HijiyaKirschnereit, Matthes & Seitz Berlin.
Pour tout contact et s’inscrire :
cecile.sakai@u-paris.fr ou anne.bayardsakai@inalco.fr

Atelier de traduction poétique, autour et en présence d’ITÔ Hiromi

Dates : Lundi 20 juin 2022 – 15:00 – 18:00
Lieu : Salle de Sacy, Inalco, Maison de la recherche, 2 rue de Lille, 75007 Paris

Atelier coorganisé par l’Ifrae et le CRCAO. Avec la collaboration de l’université livre de Berlin. 

Session de traduction collective de quelques œuvres poétiques d’ITÔ Hiromi, en présentiel, notamment :「カノコ殺し」「意味の虐待」et autres.
Les documents seront distribués sur place.

ITÔ Hiromi : née en 1955 à Tokyo, elle est aujourd’hui l’une des plus grandes poétesses du Japon. Son œuvre puissante et audacieuse, en vers libres, s’inscrit initialement dans des thématiques féministes qui croisent les questions du corps, de la sexualité, de la langue, de la domination. Après être restée plus de vingt ans en Californie, ITÔ, de retour au Japon, à Kumamoto, explore aujourd’hui dans une perspective bouddhiste les contours de la maladie et de la mort. Auteure d’une douzaine de recueils poétiques, elle a également publié des romans et des essais importants. Ses œuvres sont traduites en anglais et en allemand, notamment :

  • Itô, Hiromi (2009), Killing Kanoko: Selected Poems of Hiromi Itō, translated by Jeffrey Angles. Notre Dame, Action Books.
  • Itô, Hiromi (2014), Wild Grass on the Riverbank, translated by Jeffrey Angles. Notre Dame, Action Books.
  • Itô, Hiromi (1997), Mutter töten, translated by Irmela Hijiya-Kirschnereit. St. Pölten, Austria: Residenz verlag GmbH.
  • Itô, Hiromi (2021), Dornauszieher – Der fabelhafte Jizô von Sugamo, translated by Irmela HijiyaKirschnereit, Matthes & Seitz Berlin.

Pour tout contact et s’inscrire :
cecile.sakai@u-paris.fr ou anne.bayardsakai@inalco.fr

Subjectivité dans la littérature

Le groupe « Subjectivité » d’IFRAE a le plaisir de vous convier le 17 juin à 10h a une matinée d’études, sur zoom, sur la subjectivité dans la littérature.

10 :00 – 10 :50 (exposé et discussion)

Yannick MAUFROID   Approches de la subjectivité narrative et de l’immersion littéraire à travers le récit de rêve dans la littérature japonaise moderne

Cet exposé s’interroge sur la manière dont se manifeste la subjectivité dans le texte littéraire japonais moderne à travers l’examen de récits de rêve insérés dans la diégèse principale d’un roman. Ces récits constituent généralement une rupture dans la narration, et la structure à la fois ultra-subjectiviste et ultra-objectiviste du rêve (pour reprendre les termes de Merleau-Ponty) modifie parfois radicalement l’énonciation et la focalisation du récit. Sera également évoqué la place du lecteur face à ces textes, à travers la notion d’immersion, autrement dit le “décentrement déictique” qu’accomplit le lecteur dans le monde du récit.

11 :00-11 :50 (exposé et discussion)

Taiki IWANAGA    L’œuvre et son double : l‘ironie et la traduction chez Samuel Beckett

L‘ironie et la traduction sont des discours doubles. Devant elles, nous sommes incités à dévoiler ce qui se cache : derrière celle-ci, suppose-t-on, se trouve le « sens » ; derrière celle-là, l’« original ». Ces doubles semblent donc procurer, au niveau sémantique, une solidité au discours en tant que leur représentant. Cependant, dès le moment où la possibilité de ce même retour à la source est remis en cause, l’une et l’autre s’avèrent, plus fondamentalement, d’une structure réflexive où se fissure la totalité globalisante d’une subjectivité. Ainsi conçues, l’ironie et la traduction ne nous renvoient plus à l’identité solide du discours avec son double, mais tout au contraire, à l’altérité absolue dans le discours qui menace incessamment sa perspective totalisante. Dans le cadre de ce séminaire, j’essaierai, à la lumière des études de penseurs tels Søren Kierkegaard, Walter Benjamin et Paul de Man entre autres, de décrire la structure ironique de l’œuvre de Beckett, de montrer la spécificité de son auto-traduction et finalement de proposer une réflexion sur le rôle du traducteur, à l’aide de la traduction japonaise de l’œuvre.

Lien zoom :
https://us02web.zoom.us/j/82945615042?pwd=TnI1TWNkTnBMbXJFVEhFMlJYRFZVdz09
ID: 829 4561 5042
Code : 207154

Contact : Makiko ANDRO-UEDA
makiko.andro-ueda@inalco.fr

Groupe d’étude de philosophie japonaise

Dates : Samedi 28 mai 2022 – 14:00 – 16:45
Lieu : En ligne

14h – 14h45 suivie de discussion d’une demie heure
Frédéric GIRARD (EFEO)
« Expérience pure de NISHIDA et expérience directe de MOTORA :
la structure double de la psychè héritée de la Talité du Traité sur l’acte de foi dans le Grand Véhicule. »

15h20 – 16h05 suivie de discussion d’une demie heure
Raphaël PIERRES (Université Paris I Panthéon-Sorbonne )
« Décentrer la première personne : WATSUJI Tetsurô, ÔMORI Shôzô et SAKABE Megumi ».

16H40 : la fin de séance


Pour le lien Zoom, prière de contacter : takako.saito@inalco.fr à partir du 24 mai 2022
contact courriel : takako.saito@inalco.frakinobukuroda@gmail.comarthur.mitteau@univ-amu.frsimon.ebersolt@gmail.com

Résumé de Frédéric GIRARD 
     L’Etude sur le bien (1911) de Nishida Kitarō (1870-1945) met en avant le concept d’expérience pure ou immédiate (junsui keiken, chokusetu keiken 純粋経験, 直接経験). C’est autour de cette notion qu’il a eu, jeune lycéen, le sentiment de l’avoir perçue comme en rêve en se promenant dans les rues de Kanazawa, qu’il a bâti sa philosophie. Les choses sont unifiées par un seul principe, une seule activité. Nishida ne peut s’empêcher d’affirmer qu’ils sont l’esprit, conçu comme universel et non pas individuel, la conscience de soi unifiée, la volonté, l’action, le Tathandlung de Fichte (1762-1814), et l’intuition intellectuelle. Et, pour lui, la plus grande unité qui unifie le réel est Dieu, la réalité unique qui est présente au cœur de tous les êtres naturels.
     C’est à partir de son expérience de la méditation que Nishida a forgé sa conception de l’expérience pure : « L’expérience pure désigne l’expérience avant que n’apparaissent des oppositions du genre, choses et pensée, ego et autrui, autrement dit elle désigne les données immédiates dans lesquelles il n’y a ni personne connaissante ni chose objet de la connaissance. Ces distinctions entre choses et pensée, ego et autrui, sont considérées comme naissant de rapports au sein de cette expérience. Il va de soi que, ainsi envisagée, l’expérience pure, par définition, précède tout ce qui peut être constitué par les formes du temps, de l’espace et de la causalité; c’est une expérience qui précède la pensée. Qu’est-elle donc? Selon les auteurs, on a plusieurs réponses. Mach y voit une chose sensitive, mais pour Bergson elle est, peut-on dire, un flux infini qu’on ne peut diviser, elle est la durée pure, ce qui est sensitif étant au contraire le produit de la pensée réflexive. » 1. On peut noter que Nishida ne mentionne pas le nom de William James dans cet article de dictionnaire !
     Olivier Lacombe a écrit à propos de l’expérience pure dans le bouddhisme indien de l’école du Milieu, concept qu’il utilise sans avoir connu semble-t-il son utilisation chez Nishida : « Ces dialecticiens – nous pensons en particulier à l’école bouddhique du Milieu – se servent de la dialectique non pour établir une doctrine explicative, mais pour faire table rase, afin que l’Expérience ineffable et irreprésentable jaillisse en toute sa pureté. On utilise la dialectique moins pour connaître que pour jeter bas les superstructures secrétées par la vie empirique et qui offusquent la présence immédiate de l’esprit à lui-même. Il s’agit de décaper l’esprit et de le ramener à sa réalité nue, en sorte que l’Expérience surgisse absolument pure » 2. Il y fait de façon explicite allusion afin d’illustrer sa logique du lieu, dans son dernier écrit, La logique du lieu et et la vision religieuse du monde, Bashoteki ronri to shūkyōteki sekaikan 場所的論理と宗教的世界観, avril 1945.
     Il est une source plus que probable de cette expérience pure. Nous avons remarqué que, dans son journal, Nishida a accordé une importance primordiale au Traité sur l’acte de foi dans le Grand Véhicule, Dacheng qixinlun 大乗起信論, ce traité apocryphe chinois du VIe siècle qui a tant influencé la philosophie bouddhique chinoise, coréenne et japonaise par la suite. Ce traité lui a permis de mettre en évidence la vérité authentique qu’il recherchait et qu’il a trouvée et qu’il veut illustrer en termes philosophiques et scientifiques actuels.

     Or, il est notable que l’un des professeurs de Nishida depuis septembre 1891, Motora Yūjirō 元良勇次郎 (1858-1912) 3, a rédigé un article touchant notre question, « An Essay on Eastern Philosophy, The idea of ego in oriental philosophy », traduit en français, « Essai sur la philosophie orientale, L’idée de moi dans la philosophie orientale », au Congrès international de psychologie, tenu à Rome du 16 au 30 avril 1905. L’article fait état de l’« expérience directe » en rapport avec l’expérience du Zen. Il l’explicite à l’aide de la doctrine du shinnyo 真如, qui se situe à deux niveaux : « Le Shinnyo, connu par une expérience directe… est la réalité même. Il n’est pas un être personnel, comme le Dieu du christianisme, mais est l’éternelle et immuable existence. » Sans le nommer Motora se réfère au Traité sur l’acte de foi dans le Grand Véhicule qui précisément est connu pour développer la Talité sur deux plans, l’un inconditionné, l’autre conditionné, qui semblent s’opposer aux yeux de l’intelligence conceptuelle mais sont unis dans l’expérience. Motora envisage le dépassement du paradoxe et du dédoublement comme une question aussi vieille que la philosophie même, celle du dépassement du « moi » ou du « soi » par la conscience ou par la volonté, cette dernière étant celle des stoïciens, de Kant et celle à laquelle tend le Zen. Le Zen réduit la connaissance à un aspect de l’activité, et le bouddhisme tient que sous l’angle de l’objectivité du système conceptuel, le dédoublement mental, l’autoréalisation et l’unification grâce à la volonté, relèvent d’un élément immuable, qui ignore le changement, que l’on est contraint de poser afin de comprendre d’où provient ce qui change. C’est cet élément qui est qualifié de Talité, Shinnyo, que Motora traduit par « la réalité en soi », « le fait réel », par opposition au « fait illusoire » qu’est la « représentation » et qui correspond à ce qu’il appelle la « potentialité psychique ». Or, on sait que Nishida a rédigé son « Chapitre partiel d’ouvrage sur l’expérience pure », Junsui keiken ni kansuru danshō 純粋経験に関する断章, au mois d’octobre 1905 4, soit immédiatement après la publication de l’opuscule de Motora. En outre il publiera dans la Revue de philosophie (Tetsugaku zasshi) au mois d’août 1908 un article intitulé « Expérience pure, réflexion, volonté et intuition intellectuelle », qui reprend mot pour mot une partie de son Etude sur le bien, avant de publier un nouvel article dans la même revue, au mois de février 1910, intitulé « Rapports et relations mutuels dans l’expérience pure », objet d’une conférence trois mois auparavant 5. On peut considérer que le point de départ méthodologique de Nishida caractérisé par l’« expérience pure » est dans ses spécificités en lien direct avec les positions de son professeur de psychologie Motora, soit qu’il en ait hérité à travers son enseignement soit qu’il en ait eu connaissance par cet opuscule de 1905. N’est-ce pas cette Talité que Nishida qualifie de « réalité » ou « vraie réalité », jitsuzai 実在, depuis l’époque d’Etude sur le bien ?


Résumé de Raphaël PIERRES
     Décentrer la première personne : Watsuji Tetsurô, Ômori Shôzô et Megumi Sakabe
     Dans le fil d’une enquête que nous avons engagée sur le statut de l’intériorité, en particulier chez Nishida Kitarô (2017-2020), puis sur la notion de 心 (2021-2022), nous proposons ici une interrogation générale autour du décentrement de la première personne que nous observons dans les textes philosophiques écrits en japonais. Au croisement de considérations linguistiques, culturelles et conceptuelles, il en va du statut de l’ego vis-à-vis de l’altérité.
Cette étude est une manière pour nous de problématiser sous un angle nouveau l’universalité et l’évidence du « Je pense ». Que devient ce « je pense » dans une langue où le sujet n’a pas valeur de condition indispensable, mais presque de complément circonstanciel ?
     Le travail désormais classique de Watsuji Tetsurô nous offrira un point d’entrée dans cette question en nous amenant à prendre conscience des circonstances dans lesquelles la personne se construit et s’inscrit, dans une double dimension, médiale et intersubjective. Nous analyserons alors la tentative d’Ômori Shôzô de constituer une ontologie moniste en proposant une critique réaliste (au sens épistémologique) de la distinction entre la chose et sa représentation, entre l’objet et le sujet : il en va du point où la grammaire se noue à l’ontologie. Le travail de Sakabe Megumi nous permettra enfin de faire la synthèse de ces différents aspects en proposant à la fois une critique de la notion de sujet, et une compréhension nouvelle de la notion de personne.
     Ainsi, prendre au sérieux l’inscription de la première personne dans le langage (sans toutefois l’y réduire) nous conduira à explorer les intersections entre les champs linguistiques, métaphysiques, épistémologiques, éthiques et esthétiques. Il faudra enfin en tirer les leçons. Si nous faisons porter l’accent sur la manière dont la constitution de la première personne est située, si ce sont finalement les autres personnes qui en sont la condition et lui donnent sa pleine signification : la première personne n’est-elle jamais que seconde ?

1. Article junsui keiken, Pure experience, Reine Erfahrung, dans le Dictionnaire de philosophie de Iwanami, p.480.
2. Voir Olivier Lacombe, « L’expérience mystique », 1963, in Indianité, Paris 1979, pp.199-200 (Expérience pure par décapage de l’esprit selon le Madhyāmika; par arrêt des fabrications mentales selon le Yoga; la connaissance née de l’union de l’Expérience pure et de l’imagination transcendantale chez Diṅnāga et Śankara; la “connaissance générale chez le P. Surin (XVIIe siècle). Sur cette notion, voir la doctrine du “pancalisme” de T.Mark Baldwin (1861-1934)(Genetic Logic et Genetic theory of reality; voir Emile Bréhier, Histoire de la philosophie, T.II-4, p.995).
3. NKZ, XIX, p. 744. Professeur à l’université impériale de Tokyo. Nishida donne des cours de psychology à partir de juillet 1899 au Lycée, Idem, p. 746. Il revoit son professeur en avril 1907, Idem, p. 749.
4. NKZ, XIX, p. 748.
5. NKZ, XIX, p. 750.

Usages et valeurs du noir en Asie de l’Est

Dates : Mardi 7 juin 2022 – 09:00 – Jeudi 9 juin 2022 – 18:30
Lieu : INHA, salle Benjamin / Inalco, PLC, salle 5.18
En hybride sur Zoom (lien sur demande)

proposé dans le cadre de l’IFRAE et du CEEI du 7 au 9 juin 2022, organisé par Isabelle Charrier (CEEI) et Marie Laureillard (délégation CNRS à l’IFRAE et CEEI)

Ce colloque, qui se déroulera le premier jour à l’INHA et les deux autres jours à l’Inalco, se donne pour but d’explorer la richesse conceptuelle de la notion de noir et la multiplicité des enjeux qu’elle ouvre dans l’étude du texte, de l’écriture, de l’image, des formes mixtes. Il s’inscrit dans le cadre du projet « Sources visuelles, sources textuelles » de l’axe 1 de l’IFRAE.

Les théories esthétiques et sémiotiques du noir, les fonctions et usages du noir dans les écritures et les arts graphiques, le rapport vide / plein dans la création, le vocabulaire du noir (comparaisons linguistiques et constructions culturelles), le rôle du noir en littérature, dans les nouveaux médias et en design, photographie et cinéma seront abordés. Les interventions, qui auront trait à l’Asie orientale avec une incursion au Vietnam et en Inde, relèveront de multiples disciplines.

La première journée sera consacrée à la signification fondamentale du noir et aux cinq couleurs de l’encre à travers les arts traditionnels de la peinture à l’encre et de la calligraphie, parallèlement à une réflexion sur l’expression graphique représentée par la typographie et la gravure sur bois.

La deuxième journée abordera le noir dans la littérature chinoise, japonaise et coréenne (poésie, essai, roman). L’après-midi sera consacré au noir dans sa matérialité avec les miniatures indiennes, la céramique, le design et l’art contemporain de l’Asie de l’Est.

La troisième journée accordera une grande place au cinéma et à la photographie des trois pays (Chine, Corée, Japon) ainsi qu’au jeu vidéo. L’après-midi sera réservé au rôle du noir dans la modernité à travers la peinture d’Extrême-Orient et les pratiques spécifiques de la laque au Vietnam et de l’estampage au Japon et en Corée.  Le colloque s’accompagnera d’une exposition intitulée « Les cinq couleurs de l’encre », organisée le 8 juin par Lia Wei à la galerie de l’auditorium de l’Inalco.

La Chine et la guerre. Une discussion à partir du récent livre de Jean-Pierre Cabestan ‘Demain la Chine : guerre ou paix ?’

Dates : Mercredi 25 mai 2022 – 15:00 – 16:30
Lieu : Inalco, Maison de la recherche, 2 rue de Lille 75007, auditorium Dumézil

Entrée libre dans la limite des places disponibles

Alors que la guerre en Ukraine fait rage, la question d’un engagement éventuel de la Chine dans un conflit armé devient de plus en plus pressante. La mer de Chine du Sud, les Senkaku (Diaoyu) et surtout Taiwan sont les théâtres potentiels de guerre les plus souvent évoqués. Xi Jinping s’apprête-t-il pour autant à envahir Taiwan ? S’il est trop tôt pour savoir quelles leçons le gouvernement chinois va tirer de l’invasion russe de l’Ukraine, il semble pour l’heure continuer de privilégier tant dans le détroit de Taiwan qu’ailleurs une stratégie dite des “zones grises”, qui sans outrepasser le seuil de la guerre accroît la pression psychologique sur ses adversaires, y compris les Etats-Unis. 

Coorganisée par l’Ifrae & Asia Centre

En présence de l’auteur, Jean-Pierre Cabestan, CNRS, Ifrae
Avec la participation de Chloé Froissart, PU, Inalco, Ifrae et Jean-François Di Meglio, président d’Asia Centre

Rencontre du lundi : Évolution du paysage religieux en Chine et en Asie : nouveaux acteurs, nouvelles religions

Dates : Lundi 16 mai 2022 – 18:00 – 19:15

Lieu : Inalco, Maison de la recherche, 2 rue de Lille 75007, Auditorium Dumézil & Zoom

Pour assister à la conférence sur zoom : formulaire d’inscritpion

Le monde sinisé est aujourd’hui producteur de nombreux nouveaux groupes religieux. Certains sont en situation de vive tension avec les environnements sociaux et politiques dans lesquels ils se développent. D’autres parviennent à surmonter tensions et barrières culturelles pour se transformer en de larges mouvements transnationaux actifs bien au-delà de l’univers culturel chinois et des diasporas sinophones. Dans le cadre des Rencontres du lundi, deux chercheurs de l’IFRAE évoqueront ces évolutions du paysage religieux à partir de leurs travaux de terrain.

Sébastien BILLIOUD est professeur à l’université Paris cité et membre de l’Ifrae
Travaux récents :
Reclaiming the Wilderness, Contemporary Dynamics of the Yiguandao, Oxford University Press, 2020, 296 p.
從台灣到世界:二十一世紀一貫道的全球化 (De Taïwan vers le monde : la globalisation du Yiguandao au 21ème siècle), édité en collaboration avec Yang Hung-jen, Presses de l’Université Chengchi (政大出版社), 2022, 356 p.

Junliang PAN est maître de conférences à l’université Paris cité et membre de l’Ifrae
Travaux récents :
« Invisibilité des pratiques religieuses des migrants chinois en France », in Migrations Société, 2021/1 (N° 183), pp. 111-126.
« 道教與民間宗教信仰的多面相關係——以蒼南馬站一次宗教醫療儀式為例(Relation multifacette entre Daoïsme et religion populaire) », in Philip Clart, Vincent Goossaert et Hsieh Shu-wei (éd.), 道教與地方宗教──典範的重思國際研討會論文集Daoism and Local Cults: Rethinking the Paradigms, Taïpei 台北 : Center for Chinese Studies 漢學研究中心, 2020, pp. 195-215. 
« Actors, Spaces, and Norms in Chinese Transnational Religious Networks: A Case Study of Wenzhou Migrants in France », in Paul Katz et Stefania Travagnin (éd.), Concepts and Methods for the Study of Chinese Religions III : Key Concepts in Practice, Berlin : De Gruyter, 2019, pp. 209-231.

Rencontre animée par Guibourg DELAMOTTE, maître de conférences HDR, politologue, département d’études japonaises, chercheuse, Ifrae*Travaux récents 
Travaux récents :
Coed. with J. Brown et R. Dujarric, The Abe Legacy. How Japan has been shaped by Abe Shinzo, Lexington, 2021.
Coed. with C. Tellenne, Geopolitique et geoeconomie du monde contemporain. Puissance et conflits, La Decouverte, 2021.
Soeya Yoshihide, Diplomatie japonaise, la voie etroite – Transl. from Japanese by F. Ackerer, Hemispheres/Maisonneuve et Larose, 2021 (proofreading and introduction G. Delamotte).
Oyama Reiko, La Diete japonaise. Pour un parlement qui debatte – Transl. from Japanese by A. Grivaud, Presses de lInalco (proofreading and foreword G. Delamotte), 2021.

Les rencontres du lundi sont coorganisée avec Asialyst